Circuler plus vert
Quel avenir pour les biocarburants ?
De plus en plus d’entreprises se tournent vers les biocarburants pour décarboner leur flotte de véhicules. Cette solution permet d’éviter de lourds investissements, mais elle est limitée par la réglementation. Explications avec Jean-Philippe Héraud, responsable du programme Biocarburants à l’IFP Énergies nouvelles.
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En début d’année, l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) a publié le Tableau de bord Biocarburants 2022 qui détaille l’évolution mondiale des biocarburants dans le secteur du transport routier, ainsi que leurs perspectives de développement.
Quels biocarburants ?
Ce document révèle notamment qu’en France, 4,5 millions de m³ de biocarburants liquides ont été incorporés dans les carburants distribués en 2021, soit une hausse de 8 % par rapport à 2020. On retrouve des produits tels que l’éthanol E5, E10 ou E85 en mélange avec l’essence, tandis qu’en alternative au diesel, sont disponibles les biodiesels B7, B10 ou B100, des EMAG (esters méthyliques d’acide gras) produits à partir d’huiles végétales et de méthanol et des huiles végétales hydrotraitées (HVO).
En ce qui concerne les usages en entreprises, l’IFPEN constate également une tendance à la hausse. « Les biocarburants offrent aux entreprises la possibilité de mener une transition douce de leur flotte. Ils réduisent sensiblement l’impact carbone des véhicules et évitent l’achat de véhicules alternatifs très coûteux (électriques, hydrogène, etc.). En outre, les biocarburants apportent un gain sur l’entretien des moteurs », indique Jean-Philippe Héraud.
Un mix d’options
Le choix du biocarburant, lui, dépend des problématiques et des flottes de chaque entreprise. Par exemple, le E85 est désormais distribué dans 30 % des stations-services, ce qui facilite les ravitaillements et les trajets longue distance. Une option intéressante pour des artisans ou des commerciaux utilisant des véhicules légers. Concernant les biodiesels, il est également assez simple de s’approvisionner en B7 ou en B10.
En revanche, le B100, pourtant adopté par de nombreuses entreprises disposant de flottes captives, demande une logistique particulière. Cela consiste généralement à installer une cuve, par exemple sur un dépôt, afin de ravitailler quotidiennement les camions (exemple ici avec la Blanchisserie du Maine). « Le B100, à l’instar du HVO100, est adapté à des activités telles que le ramassage des ordures ménagères, avec des camions qui consomment beaucoup, mais dans un périmètre faible. Cela devient compliqué sur du routier longue distance. Pour un transporteur de marchandises ou un autocar devant aller de Bordeaux à Marseille, il n’est pas évident de refaire le plein avec le même carburant pour revenir », explique Jean-Philippe Héraud.
Les biocarburants avancés
Bien qu’ils constituent une solution avantageuse, les biocarburants actuels ne pourront pas être davantage distribués, la France ayant déjà atteint le niveau maximum d’incorporation fixé par réglementation européenne, soit 7 %. « Il existe une compétition avec l’alimentaire pour la partie éthanol », assure Jean-Philippe Héraud. « L’idée consiste désormais à développer des biocarburants avancés, en partant de résidus agricoles et forestiers. Des pilotes préindustriels ont été développés, mais les procédés sont complexes. Les futures unités demandent de gros investissements, avec des coûts de production plus élevés et une disponibilité des produits seulement cinq ans après la mise en service. »
Compatibilité des moteurs
Pour éviter les casses de moteur, il est primordial de valider l’adéquation du parc automobile avec les biocarburants ciblés. En effet, les moteurs ne sont pas d’emblée compatibles et les entreprises devront parfois réaliser des réglages ou des adaptations au niveau de la carburation, notamment dans le cas du B100.