Réaffectation de salariés : 1 km à pied diminue les trajets domicile-travail

L’histoire commence chez Blablacar. Laure Wagner s’y est occupée pendant plusieurs années de la communication. « Quand nous avons lancé Blablalines, devenu ensuite Blablacar Daily, pour les trajets du quotidien domicile-travail, je me demandais quels types de travailleurs allaient s’inscrire », raconte-t-elle. Et dans la grande majorité, ce sont ceux qui font plus de 37 km aller pour se rendre au travail. « Je me suis alors dit qu’il manquait un outil pour les usagers parcourant moins. On sait que la distance moyenne aller aujourd’hui est de 13,3 km. »

Gain médian de 10,3 km

Que proposer à ces travailleurs ? « Des transports en commun ? Selon le coin de France, ce n’est pas toujours possible. Du vélo ? Oui, dans l’idéal, mais rappelons que le trajet moyen des vélotaffeurs en France, c’est 3 km aller. Covoiturer ? Sur des trajets courts comme ceux-là, les gens vont moins faire l’effort du covoiturage, ils n’y verront pas les avantages. Télétravailler ? Quand c’est possible, oui, mais ça ne l’est pas pour 60 % des actifs, et pour 14 %, ça l’est uniquement en petite partie », relate Laure Wagner.

Alors, cette passionnée de mobilité durable a une idée. Et si on réaffectait les salariés dans un site proche de chez eux ? Après une grosse année de R&D, elle lance en 2020 1 km à pied. Elle accompagne aujourd’hui, via la mise en place d’un logiciel dédié, les entreprises multisites. Les employeurs, via les fichiers ressources humaines et dans le respect du règlement général sur la protection des données, vont ainsi y inscrire les données (poste occupé et adresse postale) de leurs salariés.

Lidl, Point.P., Loxam ou encore Idex se sont lancés. « Le constat est sans appel : 65 % de leurs salariés ont un site plus proche de chez eux ! » Le gain médian d’une réaffectation ? 10,3 km aller – donc 400 km par mois ! « C’est du temps gagné, de la fatigue en moins et des économies. Et bien sûr un impact carbone non négligeable. L’idée est, à terme, de le calculer. »

Point.P Normandie, une douzaine de salariés réaffectés

En Normandie, Point.P a installé le logiciel d’1 km à pied début 2020, mais l’expérimente vraiment depuis 2021. « Nous étions déjà attentifs au fait d’améliorer et de simplifier la vie de nos collaborateurs. On sait que l’une des raisons pour lesquelles ils peuvent quitter leur poste, c’est l’éloignement de leur domicile », relate Sonia Leplat, directrice des ressources humaines de Point.P Normandie, qui compte 870 salariés répartis sur 89 sites, et dont la très grande majorité se rend au travail en voiture.

Désormais, l’entreprise utilise le logiciel dès qu’un poste est vacant. « Je regarde les salariés, à poste équivalent, vivant à proximité du site en question et je les appelle pour leur proposer de se rapprocher. Leur réaction est toujours très positive, ils sont contents que nous nous intéressions à leur problématique, même si tous n’avaient pas forcément pensé ou réalisé qu’ils pourraient être plus proches de chez eux. Nous leur laissons ensuite du temps avant qu’ils ne prennent leur décision. Tous n’acceptent pas, certains préférant continuer de travailler avec leur équipe actuelle, mais dans ce cas, ils nous disent qu’ils gardent l’idée dans un coin de leur tête. Il est aussi primordial d’intégrer les managers à la démarche afin qu’ils en comprennent l’intérêt. »

En un peu moins de deux ans, une douzaine de salariés ont ainsi pu changer de site. Les économies réalisées et le gain en termes de temps n’ont pas encore été mesurés. « Ce travail m’a aussi permis d’enclencher d’autres axes sur les mobilités, en mettant en place le forfait mobilités durables, en faisant installer des supports pour attacher les vélos et en déployant désormais des vélos de fonction. Il suffit souvent de proposer des changements pour que les salariés repensent leurs habitudes », conclut Sonia Leplat.