Retour d'expérience

Agrivoltaïsme, le projet agricole avant tout

Un éleveur raconte son long parcours pour que ses moutons puissent un jour s’abriter sous des panneaux solaires. Un jeu de patience et de conviction.

PAR CAROLE RAP - JUIN 2024
Les brebis sont dehors toute l’année. Les panneaux leur apporteront un abri pendant la période hivernale, surtout quand il fera chaud. ©Hugues Trameau

Au départ, Hugues Trameau cultivait des céréales. Mais quand cet agriculteur de l’Yonne a voulu passer en bio, il s’est rendu compte que « cela fonctionnerait plus facilement avec un élevage pour maintenir la fertilité du sol », raconte-t-il. En parallèle, il a été contacté par un développeur, Abo Wind (devenu Abo Energy), qui cherchait à installer des éoliennes dans la région. Hugues Trameau lui parle de ses moutons. Émerge alors l’idée d’installer des panneaux photovoltaïques pour abriter les futurs ovins.

En 2018, il démarre sa troupe de brebis, qui en compte aujourd’hui plus de mille, destinées à produire des agneaux pour la viande. « Nous n’avons pas de bergerie. Elles sont dehors toute l’année. Les panneaux leur apporteront un abri pendant la période hivernale et surtout quand il fera chaud », espère-t-il. Mais pour l’instant, c’est dans la forêt qu’il les emmène se protéger de la canicule.

Défendre son projet

Le chemin administratif est long. « Nous avons signé la promesse de bail en octobre 2020. » En 2022, l’éleveur et le développeur viennent défendre leur dossier devant la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Objectif : installer 38 hectares de tables fixes de 4 mètres de large, orientées plein sud et inclinées avec une distance de 1 à 3 mètres par rapport au sol, sur les parties les moins fertiles.

« Il a fallu argumenter par rapport à la pertinence du projet agricole. La profession et l’État ont très peur que les projets agrivoltaïques avec des ovins soient des projets prétextes. D’autant plus que la production ovine a l’image d’une production “pas sérieuse”. Je leur ai expliqué qu’une exploitation comme la nôtre, qui d’habitude fait travailler deux personnes, en emploie désormais cinq. Car l’élevage, c’est de la main-d’œuvre. Ils ont compris que ce n’était pas un projet alibi », raconte Hugues Trameau. La CDPNAF donne un avis favorable. Mais en attendant le décret sur l’agrivoltaïsme (finalement publié le 8 avril 2024), l’administration préfère temporiser.

S’impliquer dans l’instruction

La demande de permis de construire, déposée par le développeur, est en cours d’instruction. L’enquête publique, qui a duré un mois, vient de s’achever. « Il y a eu deux remarques auxquelles le commissaire-enquêteur nous a demandé de répondre. J’ai participé à la rédaction de ces réponses avec Abo Wind. Dans l’ensemble, c’est surtout l’entreprise qui fait le travail, mais si on veut que ça avance, il faut s’impliquer aussi », reconnaît Hugues Trameau.

Lui n’est pas propriétaire du terrain, d’où des promesses de bail et des contrats plus complexes à rédiger. L’énergéticien va payer un loyer défini à l’hectare, qui sera réparti entre le propriétaire et l’agriculteur. « C’est une relation tripartite entre un industriel, un propriétaire et un exploitant agricole. Le droit commercial et le droit agricole se télescopent. Ces deux univers n’ont pas l’habitude de se côtoyer. Je suis vice-président de la FFPA [Fédération française des producteurs agrivoltaïques], qui j’espère va nous permettre d’avancer afin que les exploitants agricoles ne soient pas lésés quand ils signent un contrat avec un énergéticien. On part pour 20 ans reconductibles, ce n’est pas neutre », analyse l’éleveur, qui cultive maintenant des céréales bios. Grâce aux moutons.

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