Le tour de la question
Cogénération biogaz : que faire à la fin de mon contrat d’achat ?
Les premiers sites de méthanisation en cogénération vont bientôt fêter leurs 20 ans. Pour faire face à la fin de leur tarif d’achat, quelques pistes sont à étudier.
Après la fin du contrat d’achat de l’électricité produite par les unités de méthanisation en cogénération, une installation « ne peut prétendre à un nouveau tarif d’achat », rappelle Thomas Filiatre, chargé de projets méthanisation à Solagro, qui a organisé un webinaire sur le sujet avec le dispositif d’animation de la méthanisation en Bourgogne-France-Comté (MéthaBFC) le 17 octobre 2024. La pérennisation des installations passe donc par un dispositif extra-budgétaire. « Cela signifie que compte tenu du coût de production, il n’est pas possible de vendre l’énergie au prix de marché, explique Thomas Filiatre. Il faut donc trouver un complément de rémunération qui ne peut pas être un tarif d’achat subventionné. C’est pour cela que l’on parle de mécanisme extra-budgétaire, il ne s’appuie pas sur les finances publiques, à l’inverse des tarifs d’achat. »
Par ailleurs, « la remise en état de l’installation, pour repartir pour la même durée d’exploitation, représente en moyenne 21 % des coûts d’investissements initiaux », selon l’étude. L’objectif est donc de calculer la valeur à laquelle il faut vendre – à n’importe quel acheteur d’énergie ou directement à un consommateur via le mécanisme des biomethane purchase agreement (BPA) – le gaz ou l’électricité pour que l’installation puisse perdurer en tenant compte du coût de renouvellement de l’installation.
Plusieurs options sur la table
Plusieurs scénarios de valorisation ont été étudiés. Pour poursuivre de la cogénération sur la base d’un fonctionnement identique à celui d’aujourd’hui, le tarif nécessaire pour atteindre la rentabilité souhaitée est légèrement supérieur ou égal au tarif en vigueur (base 2024). La valorisation de la chaleur permet de baisser d’environ 9 €/MWh le tarif d’achat de l’électricité. Si le site est converti à l’injection de biométhane dans le réseau, les coûts de production sont d’environ 56 €/MWh PCS (pouvoir calorifique supérieur) plus faibles que les tarifs en vigueur pour les installations neuves. Selon une étude conduite par Solagro et mise à jour en 2024*, 88 % des unités sont situées à moins de 5 kilomètres d’une commune raccordée au réseau de distribution du gaz.
« Un site ayant bénéficié d’un tarif d’achat ne peut pas bénéficier d’un nouveau tarif même s’il y a un changement de valorisation, ici passage de la cogénération à l’injection », précise Thomas Filiatre. L’enjeu est donc de trouver de nouveaux acheteurs. Cela peut être des entreprises qui souhaitent décarboner leur approvisionnement (via un BPA) ou alors des fournisseurs obligés d’intégrer une part de biométhane dans leur approvisionnement (via le mécanisme de certificats de production de biogaz, CPB).
Dans le cas d’une cogénération flexible, fonctionnant uniquement aux heures de pointe, en moyenne, sur le marché spot, la différence de coût entre le prix moyen de l’électricité sur 24 heures et le prix moyen sur les 12 heures les plus chères est de 10 €/MWh. « La mise en place de flexibilité sur la production d’électricité engendre des surcoûts qui sont aujourd’hui trop importants pour être compensés par la différence de coût sur le marché entre la pointe et la base », analyse Thomas Filiatre. Cette solution n’est donc pas pertinente à date.
Au cas par cas
Ainsi, « quels que soient les scénarios, les installations ne pourront pas perdurer au tarif de marché de l’énergie constaté ces dernières années, conclut-il. Ceci est principalement lié aux charges de fonctionnement des installations. Un maintien en cogénération passera par des tarifs de vente proches des tarifs actuels. Par ailleurs, une sécurité du mécanisme sur 15 ans (via des contrats de gré à gré ou par des mécanismes de BPA ou CPB) est nécessaire, pour sécuriser à la fois le producteur et le système énergétique. Enfin, un passage en injection pourra être réalisé à un tarif inférieur au tarif d’achat actuel. Mais attention, il n’y a pas de solution unique, il faut étudier chaque cas de manière précise pour trouver la meilleure solution pour chaque site. Il est donc nécessaire d’anticiper la fin de son contrat. »
* Étude financée en 2022 par GRDF, GRTGaz, Teréga et l’Ademe, et mise à jour en 2024 grâce au soutien de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) et l’Association technique énergie environnement (Atee).
Et si je veux arrêter mon installation ?
Les producteurs qui souhaitent résilier de manière anticipée leur contrat d’achat, sans le laisser aller à son terme, prennent le risque, selon leur type de contrat, de devoir verser « des indemnités à EDF Agence Obligation d’Achat en qualité d’acheteur légal pour certains sites, en fonction de la date de la résiliation et du type de contrat d’électricité souscrit », rappelle Thomas Filiatre, chargé de projets méthanisation à Solagro.