Stratégie

Faire pousser des tomates grâce à la chaleur fatale

À Noyant-Villages, en Anjou, des serres de tomates sont chauffées grâce à l’énergie fatale récupérée sur le site d’une unité de valorisation énergétique des déchets ménagers. Baptisé Ecocir, le programme a également permis l’installation d’une station GNV et l’émergence de deux unités de méthanisation agricoles.

PAR ARNAUD WYART - AVRIL 2023
Unité de valorisation énergétique de la Salamandre. ©SIVERT

Basée sur la commune de Lasse et gérée par le Syndicat intercommunal de valorisation et de recyclage thermique des déchets de l’Anjou (Sivert), l’unité de valorisation énergétique (UVE) de la Salamandre traite 120 000 tonnes de déchets par an (provenant du territoire du Maine-et-Loire et d’une petite partie d’Indre-et-Loire). Elle fonctionne sur le même principe que les centrales thermiques au fioul ou à gaz et permet de brûler les déchets dans une chaudière. La vapeur surchauffée (à 400 °C et 60 bars de pression) fait ensuite tourner une turbine produisant 70 000 MWh/an d’électricité.

Valoriser la  chaleur fatale

Comme tout process thermique industriel, celui de l’UVE génère par ailleurs de l’énergie fatale. C’est ainsi qu’a émergé l’idée d’identifier un acteur capable de consommer de la chaleur, afin de valoriser cette énergie, mais aussi de développer l’économie locale. « Les élus de la communauté de communes Baugeois-Vallée avaient identifié l’opportunité d’aménager une zone d’activité à proximité de l’UVE, puis d’y installer des entreprises pour utiliser notre chaleur fatale », explique Laurent Gérault, directeur du Sivert. Des acteurs ont alors manifesté leur intérêt, notamment une briqueterie, mais cette dernière était située trop loin. Dautres projets ont été refusés par les élus, car ils ne faisaient pas sens vis-à-vis du territoire (production de bananes, etc.).

Le Sivert a donc mandaté le bureau détudes IncubEthic pour rechercher des entreprises potentielles. « Finalement, nous avons trouvé, en 2018, des producteurs de tomates serristes via une coopérative située du côté de Nantes. La négociation a pris beaucoup de temps, car à l’époque, les prix l’énergie ne les incitaient pas à venir s’installer sur le site de Lasse », indique Laurent Gérault.

Effet boule de neige

Pour convaincre les producteurs de tomates, le Sivert leur a proposé un tarif de vente très compétitif et un principe de fonctionnement simple. L’énergie fatale est d’abord récupérée sur le site de l’UVE sous forme de vapeur par un hydrocondenseur, puis elle est transportée vers un échangeur à plaques qui restitue la chaleur aux serres. « Nous fournissons de l’eau chaude à environ 53 °C. Celle-ci nous revient à une température de 38 °C et elle est à nouveau réchauffée », précise Laurent Gérault.

Pour le développement du projet*, le Sivert a porté la partie thermique, en investissant 2,5 millions d’euros, qui seront récupérés via la vente de certificats d’économie d’énergie. Les producteurs ont quant à eux financé les quatre hectares de serres. Étant donné que l’UVE est en arrêt technique quatre semaines par an – pour des raisons de maintenance –, les serristes avaient besoin d’un système de chauffage complémentaire. Une chaufferie gaz a donc été installée et le Sivert a demandé le raccordement du site au réseau de gaz. Toutefois, l’investissement dans le raccordement n’était pas suffisamment rentable pour la seule chaufferie.

« Il fallait maximiser l’utilisation du gaz. C’est pourquoi nous avons décidé de déployer une station GNV (gaz naturel véhicule) à proximité de l’usine, pour un budget de 1,2 million d’euros, porté par la SCIC BVér**, avec le soutien de la Région Pays-de-la-Loire », ajoute Laurent Gérault. « Des agriculteurs locaux en ont profité pour lancer la construction de deux méthaniseurs. Cela permettra d’alimenter les serres en biométhane et de transformer la station GNV en station GNV et bioBNV. » L’investissement des producteurs de tomates s’élève finalement à 12 millions d’euros.

Un modèle vertueux

Le programme Ecocir est opérationnel depuis fin 2021 et les premières récoltes des Serres de la Salamandre, nom donné à la nouvelle activité, ont eu lieu en mars 2022. Le programme a permis de créer 65 emplois en CDD intérimaires, ainsi que 15 emplois fixes. Vertueux, il fait appel à l’économie circulaire, avec l’implication d’acteurs locaux et des distances de transport réduites. Il offre également la possibilité au territoire d’accélérer le développement de la mobilité durable. Le Sivert compte d’ailleurs élargir prochainement sa flotte de camions GNV.

Avec l’augmentation des prix de l’énergie, les producteurs de tomates bénéficient d’un modèle économique encore plus avantageux, les serres conventionnelles étant normalement chauffées au gaz à plein temps. Désormais, les acteurs réfléchissent à récupérer le CO2 généré par les méthaniseurs afin de favoriser la croissance des plants.

La consommation de tomates toute l’année reste une pratique peu recommandable dans l’absolu. À ce sujet, Laurent Gérault montre un certain pragmatisme. « 500 000 tonnes de tomates sont importées tous les ans, en majorité d’Espagne, du Maroc et du Chili. Lorsqu’elles sont produites ici, cela participe à une forme de retour à la souveraineté alimentaire, avec un bilan positif en termes d’émissions de CO2. »

Lire aussi : Les bons résultats d’une serre chauffée grâce aux déchets

* Des acteurs tels que Veolia, le Syndicat intercommunal d’énergies de Maine-et-Loire (Siéml), GRDF et la chambre régionale d’agriculture sont également partenaires du projet.
** La société coopérative d’intérêt collectif Baugeois-Vallée Énergies renouvelables est le fruit d’une collaboration entre six entités publiques et privées : Communauté de communes Baugeois-Vallée (34 %), Alter Énergies (26 %), Noyant Bio Énergies (15 %), Siéml (10%), Incub’Ethic (10 %) et le Sivert (5 %).

Potentiel de chaleur disponible

L’UVE de la Salamandre affiche une capacité de récupération de chaleur fatale de 45 000 MWh thermiques par an. Actuellement, 15 000 MWh/an sont consommés, mais en 2024, au moins trois hectares de serres supplémentaires seront déployés. Si d’autres projets émergent, le Sivert sera en mesure de multiplier sa production d’énergie fatale par trois, via la mise en service d’une deuxième ligne de four.

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