Stratégie
La Saône-et-Loire définit une charte pour l’agrivoltaïsme
Suite à de nombreuses sollicitations de développeurs énergéticiens, la profession agricole de Saône-et-Loire a construit une position commune sur l’agrivoltaïsme. Elle décrit un projet type autour de cinq piliers principaux.
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Mise à jour fin septembre 2024, la position de la profession agricole de Saône-et-Loire sur l’agrivoltaïsme en est à sa septième version. « Cela fait deux ans que nous travaillons dessus avec la FDSEA [fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles] et les Jeunes Agriculteurs, explique David du Clary, conseiller Énergies renouvelables à la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. L’objectif est de construire une vision solide pour orienter les projets. Nous avons donc défini cinq piliers qui se déclinent en prescriptions concrètes pour esquisser les contours d’un projet type, acceptable aux yeux de la profession. Si ces cinq piliers ne sont pas respectés par les opérateurs, les représentants agricoles qui siègent à la CDPenaf [Commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers] pourraient voter contre leur projet », prévient-il.
Garantir un accès stable au foncier pour l’exploitant agricole
Actuellement, le montage juridique contractuel le plus fréquent repose sur la signature d’un bail emphytéotique entre l’énergéticien et le propriétaire foncier, suivie d’une mise à disposition du terrain à l’exploitant agricole sous la forme d’un prêt à usage (occupation à titre gracieux). « Ce prêt à usage est un contrat précaire qui se substitue au bail rural antérieur qui était bien plus protecteur du fermier, rappelle David du Clary. La profession souhaite que la mise à disposition du terrain à l’exploitant agricole prenne la forme d’un bail à ferme soumis au statut du fermage. » Ainsi, un bail rural à clauses agrivoltaïques, en cours d’élaboration, devrait être créé en 2025 ou 2026.
Maintenir une activité agricole réaliste et stabiliser le marché du foncier
« Les agriculteurs, et surtout les jeunes, craignent une spéculation des prix des terres agricoles et/ou un accès difficile au foncier si les revenus issus de l’installation agrivoltaïque augmentent fortement les capacités d’investir de certains propriétaires », souligne David du Clary. Ainsi, pour que les projets agrivoltaïques permettent de maintenir l’intérêt de l’activité de production agricole, la profession propose que le revenu issu du projet agrivoltaïque soit du même ordre que le revenu agricole. Ainsi un plafond de puissance installée par exploitation a été fixé : 8 MW pour des ombrières basses (inférieures à 2,4 m de hauteur) et 12 MW pour des ombrières hautes (afin de maintenir la rentabilité malgré une installation plus coûteuse). « En plafonnant la puissance des installations par exploitation, l’idée est aussi que le projet implique plusieurs agriculteurs, afin de partager la valeur », souligne le conseiller.
Des retombées pour l’ensemble des territoires
Plus largement, la profession souhaite que les bénéfices reviennent à tous les acteurs du territoire. Ainsi, la profession préconise que la rémunération de l’exploitant agricole soit au moins égale à celle du propriétaire foncier, et propose un montant minimum de 1 500 €/MW/an chacun. Par ailleurs, la charte demande au développeur de contribuer à un fonds de péréquation local : 1 500 €/MW/an pour les projets d’une puissance inférieure à 5 MW, 2 000 €/MW/an pour une puissance supérieure à 5 MW avec des ombrières hautes, et 2 500 €/MW/an pour une puissance supérieure à 5 MW avec des ombrières basses.
Ce fonds, gouverné par des représentants agricoles et des élus locaux, servira à financer des projets photovoltaïques sur des toitures de bâtiments agricoles chez des agriculteurs non concernés par l’installation agrivoltaïque et/ou des projets énergétiques des collectivités. « Le fonds contributif pourra notamment cofinancer certains points de blocage qui interdiraient la pose d’un générateur en toiture, tels que des raccordements ou des travaux de renforcement de charpente exceptionnellement coûteux, voire le désamiantage de toitures », précise David Du Clary.
Financer le futur démantèlement
« Selon la loi du 10 mars 2023 sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, la responsabilité du démantèlement des installations et son financement incombent au propriétaire du terrain, rappelle David du Clary. D’après les estimations réalisées par certains développeurs, le coût du démantèlement varie de 40 000 à 60 000 €/MW. Nous demandons donc à l’opérateur photovoltaïque, via une clause d’engagement inscrite dans le bail emphytéotique signé avec le propriétaire foncier, de déposer des fonds sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations au nom du propriétaire. Cette garantie peut être constituée de façon échelonnée sur la durée de vie de l’installation jusqu’à atteindre un montant total de 60 000 €/MW. »
Minimiser l’impact agronomique des installations
Afin de réduire les effets non intentionnels des installations agrivoltaïques sur les productions agricoles, la profession de Saône-et-Loire a aussi fixé plusieurs critères techniques tels qu’un taux de couverture limité à 40 % de la surface équipée – comme le prévoit le décret paru en avril –, une hauteur minimale au point bas des modules de 1,5 m pour les ombrières basses et de 2,4 m pour les hautes, des structures sur pieux battus ou vissés, un suivi technique approfondi sur trois ans minimum… « Sur ces critères, nous sommes assez proches de ceux de la loi Aper de 2023 », appuie David du Clary.
Depuis que cette charte a été validée, un projet de 12,3 MW, associé à un élevage de gros bovins, a été accepté en juillet 2024. « De nombreux autres projets, en attente depuis deux ans, sont en cours d’analyse », note David du Clary qui précise que les réunions de la CDPenaf, jusqu’alors mensuelles, viennent de passer à deux par mois pour répondre à la demande.