Retour d'expérience
Une commune alsacienne pionnière du chauffage au miscanthus
La commune de Bernwiller, près de Mulhouse, utilise le miscanthus pour chauffer ses bâtiments publics et des logements. Une solution qui présente certains avantages. Explications.
À Bernwiller, le miscanthus est cultivé depuis 1993. Originaire d’Asie, cette graminée aux propriétés assainissantes a d’abord été utilisée pour diminuer le taux de nitrate de l’eau, avant de devenir un biocombustible. Il y a une dizaine d’années, la commune a en effet eu l’idée de le brûler dans la chaudière municipale.
Des atouts indéniables
Le miscanthus, assez proche de la plaquette bois en tant que combustible, affiche un pouvoir calorifique inférieur (PCI) élevé, soit 4,9 MWh/t de matière sèche (le PCI du bois déchiqueté se situe entre 3,3 et 3,9 MWh par tonne), ainsi qu’un haut rendement de matière sèche, compris entre 10 et 20 tonnes/ha. Selon France Miscanthus, association créée en 2009 pour structurer la filière, la récolte de 15 tonnes de miscanthus sur un hectare permet de substituer l’équivalent de plus de 6 000 litres de fuel. « Cette plante pousse aussi très facilement, sans apport d’engrais ou de produits phytosanitaires. Contrairement au bois, elle est par ailleurs récoltable tous les ans », ajoute Alain Jeanroy, président de France Miscanthus.
Seule condition pour les communes intéressées : disposer d’une chaudière polycombustible. Bernwiller, elle, possède un modèle de la marque Heizomat, d’une puissance de 400 kW, particulièrement performante avec le miscanthus. « Les chaudières polycombustibles peuvent le brûler sous forme de copeaux, directement sortis de l’ensileuse après récolte. Il n’est donc pas nécessaire de passer par le stade de la granulation », précise Alain Jeanroy.
Une énergie compétitive
Le projet de Bernwiller a nécessité un budget 850 000 € pour la chaudière à bois et la mise en place du réseau de chaleur, financé à hauteur de 80 % par la Région Grand-Est et l’Ademe. Aujourd’hui, 27 hectares de miscanthus sont cultivés par 13 agriculteurs sur le territoire de la commune. Celle-ci achète la graminée environ 120 € la tonne, livrée en copeaux. La récolte annuelle permet ainsi de chauffer les bâtiments publics et 70 logements raccordés au réseau de chauffage. La chaudière produit quant à elle environ 1 000 MWh/an, pour un coût de revient compris entre 25 et 35 €/MWh.
Les habitants raccordés, plutôt craintifs au début, sont aujourd’hui pleinement satisfaits. Outre un abonnement de 500 €, ils payent 0,077 € le kilowattheure dans le cadre d’un contrat de 15 ans, un prix bien inférieur à celui de l’électricité, du fioul et du gaz. « Le prix de la plaquette bois, le concurrent direct du miscanthus, était peu élevé il y a encore quelques années, ce qui rendait difficile le développement de la graminée en tant que biocombustible, mais avec l’augmentation des prix, la graminée est devenue également très intéressante pour remplacer le bois », assure Alain Jeanroy. Forte du succès de l’initiative, la commune de Berwiller installe actuellement une seconde chaudière pour brûler le miscanthus et alimenter d’autres bâtiments.
11 000 hectares cultivés en France
D’après l’Ademe, le miscanthus est par ailleurs capable de stocker 2 tonnes de CO2 par hectare et par an dans la terre, ce qui renforce son intérêt environnemental et économique pour les agriculteurs. Néanmoins, certains acteurs voient d’un mauvais œil l’émergence de ce combustible alternatif : risque de monoculture, utilisation de terres agricoles, etc. Selon France Miscanthus, il faut simplement envisager cette graminée comme une option parmi d’autres. « On ne va pas couvrir la France de miscanthus. 11 000 hectares sont cultivés en métropole, une surface qui a doublé depuis 2017, mais qui reste assez modeste. Le chauffage, lui, ne concerne que 25 % des débouchés. La grande majorité du miscanthus est aujourd’hui transformée en litière animale et en paillage horticole. »