Circuler plus vert
Comment électrifier les véhicules lourds ?
Si l’électrification du transport lourd est un levier important pour répondre aux enjeux environnementaux, certains freins perdurent chez les professionnels, notamment le surcoût et la recharge des véhicules. Cependant, des solutions existent pour faciliter la transition et, selon les premiers retours d’expérience, l’électrification offre des avantages, par exemple en termes de conditions de travail et d’opportunités économiques.

Les véhicules lourds électriques ont été longs à développer, mais plusieurs modèles sont aujourd’hui disponibles et les technologies sont matures. De leur côté, les transporteurs affichent encore certaines craintes, en particulier vis-à-vis des investissements nécessaires.
Quels freins ?
« Le coût d’investissement d’un poids lourd électrique est deux fois plus élevé que celui d’un véhicule thermique. Néanmoins, quand on regarde le coût total de possession, il peut, en fonction des usages, s’en rapprocher, voire devenir plus avantageux, avec ou sans aide financière. Pour échelonner les financements, les professionnels profitent généralement des renouvellements de flottes et ils se limitent à un ou à quelques poids lourds », indique Romain Royer, ingénieur transport et mobilité à l’Ademe et chef du programme CEE E-trans.
Un autre frein réside dans l’installation d’une infrastructure de recharge. Outre l’investissement supplémentaire, celle-ci demande une montée en compétence et une nouvelle organisation. « Initialement, les transporteurs disposent d’une cuve de diesel, simple à mettre en œuvre. La recharge est plus complexe. Il faut un certain temps d’adaptation pour les salariés. » Afin de faciliter l’acceptation des chauffeurs, l’Ademe recommande un accompagnement et des formations sur la recharge, mais aussi sur l’éco-conduite, etc. « Concernant les infrastructures déployées par les entreprises, on devrait voir, à l’avenir, des installations mutualisées avec d’autres transporteurs. Cela leur permettra de générer de nouveaux revenus via la facturation du service. »
Le dernier frein, lui, porte sur l’autonomie des poids lourds électriques, même s’il a tendance à s’atténuer du fait des progrès réalisés. Selon l’Ademe, une approche pédagogique est indispensable. « Les tracteurs routiers affichent désormais des autonomies de l’ordre de 550 ou 600 km, ce qui permet de couvrir des missions très larges. Si on électrifiait le parc, 80 % de tous les usages seraient facilement transposables en électrique. Pour le reste, se posent des sujets tels que la recharge longue distance », indique Romain Royer.
Des avantages pour les parties prenantes
En ce qui concerne les avantages, l’électrification permet d’abord de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Au niveau de l’échappement, les émissions de CO2 sont ainsi réduites à zéro. « L’électrification permet également de supprimer les émissions de NOx (oxydes d’azote), ce qui permet en particulier aux poids lourds de circuler dans les zones urbaines avec un impact moindre sur la qualité de l’air », explique Romain Royer. L’Ademe a identifié d’autres impacts positifs via les retours d’expérience des entreprises ayant déjà franchi le pas, par exemple dans le cadre des programmes d’accompagnement à la décarbonation comme CEE E-trans, EVE ou REMOVE.
Ces impacts concernent notamment la qualité de vie au travail. « Le passage à l’électrique peut être compliqué, car on change d’outil, mais les chauffeurs apprécient généralement le confort apporté par ce type de motorisation : cabine silencieuse et suppression des vibrations. » Les poids lourds électriques, au même titre que les véhicules légers, semblent également être plus agréables à conduire, grâce à une utilisation intuitive et beaucoup de fonctions automatisées. « Ils sont aussi plus fiables et nécessitent moins de maintenance que les véhicules thermiques, donc moins d’arrêts », précise Romain Royer.
Enfin, l’électrification du transport lourd est synonyme d’opportunités. Certains clients des transporteurs demandent en effet que des trajets soient bas carbone afin de diminuer leurs propres émissions. Il s’agit d’un levier important et encouragé par l’Ademe, d’autant que ces clients sont souvent prêts à payer un surcoût, ce qui peut permettre à un transporteur de compenser ses investissements.