La chaleur fatale pour produire de l’air comprimé

« Monsieur le Président, chez @cristelfrance, nous fabriquons des casseroles qui font avancer la France !!! » Avec son récent clin d’œil à Emmanuel Macron, Cristel a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Fondée en 1826, l’entreprise fabrique des casseroles et des poêles haut de gamme en inox. Mais une autre de ses caractéristiques mérite que l’on s’intéresse à cette PME de 100 personnes installée dans le Doubs : son action en faveur de l’efficacité énergétique.

Récupérer l’énergie des compresseurs

Depuis 1990, Emmanuel Brugger imprime sa fibre environnementale à l’entreprise. Après avoir été ingénieur puis directeur technique de l’entreprise, il en est le directeur général depuis 2006. Dans son procédé de fabrication, Cristel utilise de l’air comprimé, notamment pour les opérations de sablage. En 2002, l’entreprise met au point une installation permettant de récupérer l’énergie calorifique des compresseurs pour chauffer certains ateliers. Elle bénéficie alors de l’aide de l’Ademe.

Elle réitère l’opération en 2016 lors de l’acquisition d’un nouveau compresseur. « 60 % de la surface de production est chauffée par la chaleur issue des compresseurs, le reste par des aérothermes à gaz. C’est un système simple, qui consiste à installer un gros tuyau au niveau de la sortie d’air chaud soufflé par le compresseur, puis de le canaliser jusqu’aux ateliers. Le budget porte surtout sur l’installation d’un registre (bypass) qui permet de diffuser l’air chaud vers l’extérieur à l’arrivée des beaux jours », explique Emmanuel Brugger. Coût du dispositif : environ 8 000 €, amortissables en 6 à 18 mois selon la surface chauffée.

Récupérer la chaleur fatale

En 2016, Cristel installe une ligne dédiée au dépôt de trois couches de revêtement antiadhérent sur les poêles. Ce procédé suppose de chauffer les ustensiles à 450 °C, un niveau atteint par l’utilisation de brûleurs à gaz, lesquels ont des températures d’évacuation des gaz brûlés à 600 °C. « On souhaitait récupérer cette chaleur fatale, mais à l’époque il n’existait pas de système le permettant pour des installations aussi modestes en termes de gisement. Quelque temps plus tard, j’ai découvert dans un journal local qu’une start-up se lançait à Belfort pour faire de la récupération de la chaleur fatale, Ananké », raconte Emmanuel Brugger.

Transformer la chaleur

En 2022, Ananké met en route au cœur du site Cristel son démonstrateur Keos, qui valorise la chaleur fatale industrielle via une technologie de moteur à combustion externe, dit « moteur Ericsson » (ou moteur à air chaud). Son principe : transformer la chaleur fatale grâce à ce moteur qui fonctionne à partir de l’énergie calorifique pour produire de l’air comprimé et/ou de l’électricité.

Cristel choisit l’air comprimé. « La fumée qui sort du moteur est passée de 600 °C à 150 °C. On essaie maintenant de récupérer cette chaleur résiduelle pour préchauffer des pièces au sein de nos procédés de fabrication », précise Emmanuel Brugger. L’installation a coûté 150 000 € dont 50 000 € financé par Bpifrance. « Nous prévoyons un retour sur investissement d’environ six ans », indique le directeur général.